En collaboration avec Aïchata Koné et Jeremy Schneider
Cette note s'appuie sur les travaux réalisés par Aïchata Koné et Jeremy Schneider, en collaboration avec IMAR, dans le cadre d'une étude sur l'intermodalité dans le transport du grain au Canada. Leurs conclusions figurent au chapitre 5 du rapport État du transport maritime au Québec 2024, publié conjointement par IMAR et la Société de développement économique du Saint-Laurent.
L'agriculture est un contributeur majeur à l'économie canadienne, sa production servant d'intrant clé dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, tant au niveau national qu'international. En 2023, l'industrie agricole du Canada a généré 24,5 milliards de dollars, soit 1,1 % du PIB canadien, et a soutenu 114 800 emplois spécifiquement dans la production de cultures1. La vente des principales cultures de grande culture a généré 40 milliards de dollars de revenus, dont 29,1 milliards provenant des exportations. Les cultures sont principalement concentrées dans les Prairies, le sud de l'Ontario et le Québec. La visualisation ci-dessous illustre les tendances de production des principales céréales et légumineuses par province entre 2000 et 2023.
L'importance relative des cultures varie selon les régions, le blé et le canola étant les cultures les plus importantes dans les Prairies. En 2023, les provinces des Prairies ont produit un total combiné de 29,5 millions de tonnes métriques (MMT) de blé et 19 MMT de canola. L'orge est une culture importante en Alberta, avec une production de 4,7 MMT, suivie par la Saskatchewan avec 3,2 MMT. La Saskatchewan a également produit le plus d’avoine en 2023, avec 1 MMT, suivie de l’Alberta, du Manitoba et du Québec. La production de lentilles est également concentrée en Saskatchewan, avec 1,6 MMT, tandis que l'Alberta a produit 0,3 MMT supplémentaires. Le maïs est la culture la plus importante en Ontario et au Québec, avec des productions respectives de 10 MMT et 3,3 MMT. Le soya est la deuxième culture la plus importante, avec une production de 4 MMT en Ontario et 1,3 MMT au Québec.
Les silos à grains jouent un rôle clé dans la production, la transformation et le transport des céréales. Les exploitants gèrent trois types de silos en fonction de leur fonction spécifique. Les silos primaires sont situés à proximité des exploitations agricoles et servent de centres de collecte et de stockage des grains récoltés. Les silos de transformation sont utilisés pour préparer les grains en vue d’une transformation ultérieure, comme le broyage ou la fabrication d'autres produits alimentaires. Enfin, les silos terminaux sont situés dans des hubs de transport clés, tels que les gares ferroviaires et les ports. Les silos situés à proximité des ports sont essentiels pour l'exportation des grains vers des marchés autres que les États-Unis. Au Canada, les grains sont principalement transportées par rail, avec des camions facilitant l’intermodalité et certaines exportations vers les États-Unis. La visualisation ci-dessous présente la capacité provinciale des trois types de silos, ainsi qu’un aperçu du réseau ferroviaire auquel ils sont connectés.
Les silos primaires sont concentrés dans les Prairies, la Saskatchewan étant en tête avec plus de 4 MMT de capacité de stockage. Dans les trois provinces des Prairies, la capacité de stockage reliée au réseau ferroviaire du Canadian Pacific Kansas City (CPKC) dépasse celle du réseau du Canadien National (CN). Les provinces des Prairies dominent également en matière de capacité de stockage des silos de transformation, avec une capacité installée plus importante reliée au réseau ferroviaire du CN en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Enfin, la capacité de stockage des silos terminaux est la plus élevée en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, desservant des ports qui exportent les récoltes vers des marchés étrangers. Là encore, la capacité reliée au réseau du CN est plus importante que celle reliée au réseau du CPKC.
Selon le rapport Pathways: Connecting Canada’s Transportation System to the World de Transports Canada, plus de 94 % des grains canadiens exportés vers les marchés étrangers sont transportés par rail jusqu’aux ports et vers leurs destinations finales aux États-Unis et au Mexique. Les trains sont un moyen de transport rentable pour acheminer les grains sur les longues distances entre leur lieu de production et leur destination finale. Comme le CPKC et le CN contrôlent presque l’ensemble du réseau ferroviaire canadien, examiner les volumes transportés par ces entreprises permet d’obtenir une vision plus claire. La visualisation ci-dessous illustre le transport des céréales par le CPKC et le CN vers l’Ouest canadien, l’Est canadien et les États-Unis.
En 2023, le CN a transporté de loin la plus grande quantité de grains comparé au CPKC. Plus de 21 MMT de céréales ont été acheminées vers l’Ouest canadien, suivies de 4,54 MMT vers l’Est canadien et 1,85 MMT vers les États-Unis. Toutefois, le CPKC détenait une plus grande part du marché des grains expédiés aux États-Unis, avec 5,51 MMT. Le CPKC a également transporté légèrement plus de grains vers l’Est canadien, avec 5,25 MMT.
La carte interactive ci-dessous présente le réseau ferroviaire canadien par propriétaire ainsi que l’emplacement des trois types de silos, codés par couleur en fonction de leur connexion ferroviaire. La taille de chaque silo représente sa capacité de stockage.
En tant que grand producteur mondial, une part importante de la production céréalière canadienne est destinée aux marchés d’exportation. En 2023, le prix moyen du blé était de 364 $ par tonne métrique (TM) au Québec, tandis qu’il s’élevait à 391 $, 386 $ et 397 $ par TM respectivement au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Le prix moyen du maïs était de 315 $ par TM au Québec et de 299 $ en Ontario. Les prix du canola s’établissaient en moyenne à 779 $, 769 $, 779 $, 793 $ et 774 $ par TM respectivement au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta2.
La carte interactive ci-dessous illustre l’intermodalité des exportations de grains au-delà des États-Unis, mettant en évidence la connexion entre le rail et les ports. Les lignes rouges représentent le flux des céréales depuis les provinces productrices des Prairies vers les ports par rail, tandis que les lignes bleues indiquent les exportations de céréales des ports vers les marchés étrangers. La largeur de chaque ligne correspond au volume de céréales transporté en tonnes. Cliquer sur une ligne révèle la valeur des céréales acheminées et exportées.
Le plus grand flux de grains entre province et port provient de la Saskatchewan vers le port de Vancouver, avec 16 MMT de grains transportés en 2023, pour une valeur de 7,8 milliards de dollars. De même, le plus grand flux port-marché au-delà des États-Unis passait par le port de Vancouver, qui a exporté 28 MMT de grains pour une valeur de 14,4 milliards de dollars. Les ports de l’Est jouent également un rôle clé dans les exportations, le port de Montréal et le port de Québec ayant traité respectivement 4 MMT et 3,4 MMT de grains. Le port de Thunder Bay est un autre hub important, facilitant l’expédition de 1,4 MMT de grains.
En conclusion, la chaîne d’approvisionnement des grains au Canada repose sur un vaste réseau ferroviaire et des connexions intermodales permettant d’acheminer efficacement les cultures des exploitations agricoles vers les marchés nationaux et internationaux. La domination du CN et du CPKC dans le transport des grains souligne le rôle essentiel de l’infrastructure ferroviaire dans la liaison entre les silos primaires, les installations de transformation et les terminaux d’exportation. Face aux tensions commerciales persistantes avec les États-Unis et à la demande mondiale croissante pour les grains canadiens, le rôle des ports de l’Ouest et de l’Est sera de plus en plus crucial. L’optimisation des connexions logistiques entre le réseau ferroviaire et les ports sera essentielle pour maintenir la compétitivité et assurer des flux commerciaux fluides.
Références
1. Agriculture and Agri-Food Canada (2024)
2. Statistique Canada (2025)